mardi, avril 15

On a cassé la poupée


Il y avait ce rien. Attrait du vide. Des kilomètres d’asphalte qui défilaient à nouveau, la mer, ses yeux, le ciel un peu couvert, le petit château sur la corniche, le phare, un cri, ses yeux, une main qui s’agrippe, une voix écorchée par la cigarette, un sanglot, « s’il te plaît », ces mots qui glaçaient la nuit, un rire, le briquet que je n’arrive pas à allumer, du sang, ses yeux, des ongles rongés, les vagues, un bruit sourd, du mascara qui coule, le vent, un coucher de soleil passablement kitsch, Philip Morris, « je t’aime », un projecteur, un banc public, deux silhouettes dans la nuit, la photo de classe, ma robe noire, le piano désaccordé, juste un sac poubelle, l’éternité, ses yeux. Un petit garçon court sur la plage.
J’enlève le sable dans mes cheveux. Il sourit.
Je ne sais plus bien si ça ressemble à une carte postale ou à la déposition d’un témoin, je ne parviens plus à saisir la cohérence de tout ça, comme si tout s’était effiloché, il ne reste que des bouts. C’est ridicule quand même, autant d’espoir pour ça ; c’est tellement pathétique si c’est ça aimer, se retrouver seule avec des bouts de certitudes entre les doigts. En plus ce sont toujours les mêmes souvenirs qui psalmonient les mêmes conneries d’erreur et de « tout va redevenir comme avant ». Cette espèce de fantasme régressif qui me tire à lui, à avant lui, à toute petite, pour retrouver une sérénité que je n’ai très probablement jamais connue.
Je voudrais pouvoir courir le long de la côte en pleurant parce que l’air salé me fouette le visage et sentir un peu de vie me monter aux joues. Au lieu de ça c’est la lumière bleutée d’un écran qui éclaire mes larmes. Et c’est ma faute.
Depuis le début, je n’ai réussi qu’à me traîner de désillusion en désillusion. Là, maintenant. Je voudrais ce baiser bourré d’innocence, je voudrais ce baiser de gamins. Je voudrais qu’on me dise que ça va s’arranger.
Je veux une raison de regarder la vie dans les yeux.

Et ne pas entendre une voix chère susurrer « Saute.».

lundi, avril 7

Sweet eighteen


On soustrait une clope à ce type plus vieux que soi qui sent la vodka et la nicotine. Un an. On rit à pleines dents en songeant au pathos de la situation. On s’assoit sur un banc trempé. Et cette fontaine de pierre au centre de la place vide. Les étoiles. Un an. Il y a des talons qui claquent un peu, l’air du soir, le bruit de la rivière, les regrets, les non-dits, ces instants comme des perles, cette douleur comme un cadeau. Et puis non, on ne veut pas puer le désespoir, on veut vivre, mais comment faire après tout ça.


On perd le Nord, mais est-ce qu’on ne l’a jamais eu. On rit pour ne pas pleurer, on danse pour ne pas tomber, on boit pour ne pas se sentir être. On n’est ni des pétasses ni des ivrognes des soirs de spleen, on cherche l’excès pour ne le toucher que du bout des doigts.


Un an.


Et on dit qu’on fait la fête. Vodka fraise.

Sweet eighteen.